Comment mettre en oeuvre la clause résolutoire d'un bail commercial ?
La clause résolutoire est un outil essentiel pour le bailleur lorsqu’un locataire manque à ses obligations. Sa mise en œuvre entraîne la résiliation automatique du bail commercial, à condition de respecter le formalisme strict régi par l’article L145-41 du Code de commerce : existence de la clause, qualification du manquement, respect d’un formalisme impératif, bonne foi.
1. Quels sont les baux commerciaux concernés ?
La clause résolutoire est applicable :
- au bail commercial classique ;
- au bail en tacite prolongation,
- au bail renouvelé, même par jugement (article L145-57 du Code de commerce),
- pendant le maintien dans les lieux après un refus de renouvellement (avec un effet radical : perte du droit à indemnité d’éviction).
2. Quelles sont les conditions pour que la clause résolutoire soit acquise ?
Plusieurs conditions doivent être réunies pour entraîner la résiliation automatique du bail.
La présence d’une clause résolutoire
La clause résolutoire doit figurer dans le bail commercial afin de pouvoir être évoquée et doit impérativement, sous peine de nullité, mentionner le délai d’un mois.
Effectivement, par deux arrêts du 6 novembre 2025 (23-21.334 et 23.21-454), la Cour de cassation a considéré qu’une clause résolutoire insérée dans un bail commercial prévoyant un délai inférieur (15 jours pour les deux arrêts) à un mois après un commandement resté infructueux et permettant d’obtenir la résiliation du bail est contraire au délai légal prévu à l’article d’ordre public L145-41 du Code de commerce et doit donc être réputée non écrite en son entier.
Des manquements du locataire expressément énoncés au bail commercial
La clause résolutoire ne peut être invoquée qu’en cas de manquement à une stipulation expresse du bail commercial, c’est-à-dire une obligation ou une interdiction clairement formulée dans ce dernier.
Par exemple, le bailleur ne pourra pas faire délivrer de sommation visant la clause résolutoire à son locataire d’avoir à exploiter personnellement les locaux si le bail lui fait seulement obligation d’exploiter (Cass. 3e civ, 9 novembre 2017, n°16-22.232).
Toutefois, si le bail interdit au locataire d’apposer une enseigne, en cas de manquement, le bailleur pourra lui faire délivrer une sommation d’avoir à déposer l’enseigne.
Le commandement ou la sommation doivent rappeler le délai d’un mois
Le commandement ou la sommation visant la clause résolutoire, devant être délivrés par Commissaire de justice (ancien Huissier de justice), doit obligatoirement rappeler le délai d’un mois pour s’exécuter en rappelant littéralement, dans l’acte, la clause résolutoire et les dispositions de l’article L145-41 du Code de commerce.
Cet acte devra mettre en demeure le locataire, de manière détaillée, de payer une somme précise ou d’exécuter une obligation déterminée.
Le bailleur ne peut se contenter d’indiquer que le locataire doit exécuter ses obligations contractuelles sans autre indication.
Le commandement ou la sommation doivent être délivrés de bonne foi
Attention : le commandement ou la sommation ne peuvent produire effet qu’en étant délivrés de bonne foi.
La persistance de l’infraction au-delà du délai d’un mois
Si le locataire s’exécute avant le délai d’un mois, le commandement de payer ou la sommation deviennent sans effet pour entraîner le jeu de la clause résolutoire.
En revanche, s’il n’est pas mis fin à l’infraction avant l’expiration de ce délai d’un mois, la clause résolutoire sera acquise et le bail résilié.
S'il n'est pas mis fin à l'infraction avant l'expiration du délai d'un mois, la clause résolutoire est acquise et le bail est résilié permettant l'expulsion du preneur.
Dans la plupart des cas, le locataire refuse de quitter les lieux en dépit de la résiliation intervenue.
Le juge doit ainsi être saisi par assignation afin de constater l'acquisition de la clause résolutoire et toutes les conséquences qui en découlent (expulsion, condamnation du locataire aux impayés, etc.).
Le juge n'a pas le pouvoir d'apprécier la gravité du manquement invoqué mais devra contrôler que l'existence des conditions, énoncés ci-avant, sont réunies.
S’il y a des créanciers inscrits, le propriétaire qui poursuit la résiliation du bail de l'immeuble dans lequel s'exploite un fonds de commerce grevé d'inscriptions doit notifier sa demande aux créanciers antérieurement inscrits, au domicile déclaré par eux dans leurs inscriptions. Le jugement ne peut intervenir qu'après un mois écoulé depuis la notification.
3. La clause résolutoire peut-elle être suspendue par le juge ?
Le juge a le pouvoir d’accorder des délais au locataire permettant de suspendre la réalisation et les effets de la clause résolutoire, conformément à l’alinéa 2 de l’article L145-41 du Code de commerce pour une période maximale de 2 ans.
Le locataire peut demander la suspension des effets de la clause résolutoire quel que soit le manquement à ses obligations qui lui est reproché, même s’il s’agit d’une obligation de faire (Cass. Civ 3ème, 6 février 2025, n°23-18.360).
Toutefois, si le locataire obtient des délais et qu’il ne les respecte pas strictement, la clause résolutoire rejoue de manière automatique.
4. Conclusion : les étapes pratiques pour un bailleur : la méthode en 5 phases
Étape 1 — Vérifier le bail
o La clause résolutoire existe-t-elle ?
o Le manquement est-il visé explicitement ?
Étape 2 — Faire constater le manquement
o Loyers impayés : faire un décompte précise et détaillé ;
o Manquements non financiers : procès-verbal de constat, courriels, mise en demeure préalable.
Étape 3 — Délivrer un commandement ou sommation conformes
o Signification par commissaire de justice ;
o Rappel des manquements reprochés ;
o Rappel du délai d’un mois ;
o Reproduction littérale de la clause résolutoire et de l’article L145-41 du Code de commerce ;
o Délivrance du commandement ou de la sommation de bonne foi.
Étape 4 — Attendre impérativement le délai un mois
o Aucun délai contractuel plus court n’est admis ;
o Vérifier si le preneur a régularisé dans ce délai.
Étape 5 — Constat de l’acquisition
o Si le manquement persiste :
§ Assigner pour voir constater l’acquisition de la clause,
§ Solliciter l’expulsion, demander le recouvrement des loyers impayés et une indemnité d’occupation.
La clause résolutoire est un outil redoutablement efficace, mais très technique. La moindre irrégularité peut rendre toute la procédure inopérante.
C’est pourquoi l’intervention d’un avocat est vivement recommandée, dès la rédaction du bail et jusqu’à la mise en œuvre de la clause résolutoire.