Les erreurs à absolument éviter lors de la signature d’un bail commercial

La conclusion d’un bail commercial constitue une étape déterminante dans la vie d’un entrepreneur comme d’un propriétaire. Ce contrat encadre en effet l’exploitation d’un fonds de commerce ou d’une activité artisanale ou industrielle, et conditionne l’accès à la « propriété commerciale » prévue par les articles L 145-1 et suivants du Code de commerce.

Cependant, la pratique montre que de nombreuses erreurs, souvent commises au stade de la rédaction ou des vérifications préalables, entraînent des contentieux coûteux, voire la remise en cause du bail lui-même.

Qu’il s’agisse d’un investisseur souhaitant sécuriser la rentabilité de son bien, ou d’un commerçant lançant une activité, le formalisme et la rigueur juridique sont essentiels. L’oubli d’une autorisation administrative, l’absence de vérification des pouvoirs du bailleur peuvent avoir des conséquences lourdes.

Les principaux pièges à ne pas commettre lors de la conclusion d’un bail commercial

1.     Négliger la vérification du régime applicable au bail

Pour savoir si le bail doit être établi par référence au statut des baux commerciaux, les parties doivent se poser plusieurs questions.

Tout d’abord, quelle est la nature de l'activité que doit exercer le locataire ? S'agit-il d'une des activités visées par les articles L145-1 ou et L145-2 du Code de commerce ?

Ensuite, quel est l'objet de la location : le bail porte-t-il sur un immeuble ou des "locaux" ? S'agit-il de locaux principaux ou accessoires ?

 Enfin, le locataire sera-t-il titulaire d'un véritable fonds ? Ce fonds lui appartiendra-t-il ?

 C'est en fonction de la réponse apportée à ces questions que la décision sera prise d'établir :

- Soit un bail relevant du statut des baux commerciaux ;

- Soit un bail régi par le Code civil ;

- Ou parfois même un bail professionnel.

Attention : l'article L145-2, 7° du Code de commerce permet d'appliquer conventionnellement le statut des baux commerciaux au bail d'un local affecté à usage exclusivement professionnel, qui relèverait normalement du statut propre à ces baux, édicté par les articles 57A et 57B de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

Certaines locations sont expressément exclues du champ d'application du statut des baux commerciaux.

Sont concernés :

- Les locations saisonnières (article L 145-5 alinéa 4 du Code de commerce) ;

- Les autorisations d'occupation précaire accordées par l'administration sur un immeuble acquis par elle à la suite d'une déclaration d'utilité publique (Article L145-2, II, alinéa 1 du Code de commerce). Par contre, en cas d'exercice du droit de préemption sur un bail commercial , un fonds artisanal ou un fonds de commerce, en application de l'article L214-1 du Code de l'urbanisme, le bail du local ou de l'immeuble demeure soumis au statut des baux commerciaux (article L145-2, III, alinéa 1 du Code de commerce) ;

- Les baux emphytéotiques (article L145-3 du Code de commerce).

Vous pouvez consulter la convention la plus adaptée à votre cas en cliquant sur ce lien.

Erreur n°1 : conclure un bail commercial alors que les conditions du statut ne sont pas réunies, ou inversement conclure un bail professionnel sans prévoir l’application conventionnelle du statut commercial.

2.     Omettre les vérifications préalables indispensables

 Le dossier préparatoire au bail doit être traité comme un véritable audit juridique et technique.

 Les parties doivent vérifier :

  • Les pouvoirs et la capacité des parties :

    • Le consentement de tous les indivisaires ou époux (article 1429 du Code civil) ;

    • L’autorisation du juge des tutelles pour les personnes protégées (article 504 du Code civil) ;

    • Si l’immeuble est grevé d’usufruit, l’accord du nu-propriétaire est exigé ou à défaut une autorisation de justice (article 595, alinéa 4, du Code civil) ;

    • Les pouvoirs du représentant légal en cas de société.

  •  La conformité de l’immeuble :

    • Le respect des normes de sécurité, d’accessibilité et d’hygiène ;

    • L’absence d’arrêté d’insalubrité ou de péril ;

    • Les diagnostics obligatoires (amiante, DPE, état des risques et pollutions, performance énergétique, etc.).

  •  Les contraintes administratives :

    • L’autorisation de changement d’usage des locaux d’habitation (article L 631-7 du CCH) ;

    • La compatibilité avec le règlement de copropriété ou le plan local d’urbanisme ;

    • L’absence d’obstacle urbanistique ou environnemental.

Erreur n°2 : ne pas s’assurer de la possibilité pour le locataire d’exercer son activité conformément au règlement de copropriété ou que le bailleur ait obtenu l’autorisation d’urbanisme requise pour l’exercice de cette activité

3.     Négliger la rédaction des clauses essentielles

 La rédaction des clauses du bail commercial constitue le cœur du contrat.

C’est à ce stade que se joue la répartition des risques entre bailleur et locataire, l’équilibre économique du bail et, plus largement, la sécurité juridique de la relation contractuelle.

Or, la pratique démontre que de nombreuses erreurs naissent non pas d’une mauvaise qualification juridique du bail, mais d’une rédaction incomplète, imprécise ou contradictoire.

Certaines clauses sont encadrées par des règles d’ordre public (articles L145-15, L145-16, L145-45 du Code de commerce), tandis que d’autres relèvent encore de la liberté contractuelle. D’où la nécessité d’une vigilance accrue lors de la rédaction.

  •  Clause concernant la désignation des locaux

La désignation des locaux doit être rigoureuse : surface exacte, éléments d’équipement inclus ou exclus, parties communes, annexes, parkings, caves, etc., car il s’agit de l’assiette du bail commercial.

Une erreur de désignation ou un flou sur la consistance matérielle du bien peut fausser l’économie du contrat et provoquer un contentieux (par exemple en matière de répartition des charges ou de conformité).

Erreur n°4 : rédiger une clause de désignation des locaux commerciaux ne correspondant pas à la réalité de ces derniers.

  • Clause concernant la destination des locaux loués

La destination des lieux a une grande importance car la destination convenue interdit au locataire d’exercer dans les lieux d’autres activités.

C'est par rapport à la destination prévue au bail que se détermineront les activités connexes complémentaires ou susceptibles d'être exercées dans les lieux en cas de demande de déspécialisation partielle (article L145-47 du Code de commerce) ou de déspécialisation totale (article L145-48 du Code de commerce).

Surtout, c’est par rapport à cette destination que seront appréciées les activités incluses ou accessoires qui sont des activités contenues dans la destination initiale, sans que le locataire ait à solliciter du bailleur une autorisation quelconque pour les exercer.

Par exemple, il a été décidé que l’activité de chauffage est incluse dans celle de plomberie-couverture (Cass. 3e civ, 13 janvier 1999) ou l’activité de sandwicherie, plats à emporter permet la consommation sur place (CA Paris, chambre 5-3, 20 janvier 2021, n°18/18421).

Ne sont pas jugées comme activités incluses l’activité de discothèque pour un café-restaurant (CA Colmar, 10 février 2011) ou l’activité de restauration rapide pour l’activité de charcutier-traiteur (CA Paris, 16ème chambre, 6 avril 2006, n°05/16680).

Toutefois, s’il ne s’agit pas d’une activité incluse le locataire devra respecter les formalités édictées par l’article L 145-47 du Code de commerce même s’il s’agit d’une activité couramment pratiquée, sous peine de s’exposer à la résiliation judiciaire du bail commercial, à la mise en œuvre de la clause résolutoire ou au congé refusant le renouvellement et sans indemnité d’éviction pour motif grave et légitime.

Toutefois, le bailleur peut choisir de faire de cette modification de la destination un motif de déplafonnement.

Erreur n°5 : prévoir une clause de destination trop restrictive ne permettant pas au locataire d’exercer plusieurs activités sans demander l’accord du bailleur moyennant, très souvent, une augmentation du loyer lors de la prochaine révision triennale.

  •  Clause concernant la durée du bail

Le bail commercial a une durée minimale obligatoire de 9 ans. Le bail "trois, six, neuf", que l'on rencontre dans la pratique, signifie simplement que le locataire peut résilier le bail à l'expiration de chaque période triennale, comme la loi le prévoit (article L 145-4, alinéa 2, du Code de commerce).

Cependant, la durée du bail peut être supérieure à 9 ans et, dans ce cas, peut prévoir d’autres facultés de résiliation et notamment une durée ferme de 6 ans empêchant le locataire de donner congé à l’expiration d’une période triennale.

Attention : si le bail est conclu pour une durée supérieure à 9 ans, il y aura, à son terme, le déplafonnement automatique du loyer qui pourra être fixé selon la valeur locative, c’est-à-dire que le montant du loyer renouvelé ne sera pas plafonné (en fonction des indices).

Erreur n°6 : envisager une durée supérieure à 9 ans qui entraîne un déplafonnement du loyer renouvelé et/ou une durée ferme que le locataire devra respecter sans pouvoir donner congé de manière triennale.

  •  Clause concernant le loyer

La fixation du loyer du bail d'origine est libre.

Le loyer peut être fixe ou variable, par exemple, en fonction du chiffre d’affaires du locataire ou encore constitué d’une part fixe, complétée d’une part variable.

o   Augmentation du loyer pendant le cours du bail

La vigilance du locataire va devoir se porter sur les modalités de révision du loyer devant intervenir au cours du bail.

En effet, le bailleur peut réviser le loyer selon deux mécanismes :

La révision triennale prévue par les articles L145-37 et L145-38 du Code de commerce, lesquels sont d’ordre public, c’est-à-dire que toute clause excluant la révision triennale ou contraignant ses effets est réputée non écrite ;

La clause d’indexation annuelle : par dérogation à l’article L 145-38 du Code de commerce, l’article L 145-39 du Code de commerce autorise la clause d’échelle mobile ou dénommée aussi clause d’indexation.

Ainsi, à la différence de la révision triennale, la clause d’indexation annuelle permet de faire varier annuellement (périodicité généralement choisie de manière conventionnelle), automatiquement et sans modalité spécifique le montant du loyer du bail commercial à condition que cette clause soit expressément stipulée dans le bail commercial.

o   Augmentation du loyer lors du renouvellement du bail

 La Cour de cassation a admis que les parties pouvaient fixer par avance dans le bail initial le montant du loyer du bail renouvelé (fixation à la valeur locative de marché, ou à partir d'un taux annuel d'actualisation, etc.) car l'article L 145-34 du Code de commerce n'est pas d'ordre public.

Erreur n°7 : ne pas prendre en considération les augmentations annuelles du loyer commercial pendant la durée de 9 ans dans son business plan, et ne pas faire attention au montant du loyer renouvelé.

  •  Clause concernant les charges et taxes

 Depuis la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 (dite loi Pinel) et le décret n°2014-1317 du 3 novembre 2014 le régime des charges, taxes et accessoires des baux commerciaux a été bouleversé.

En effet, les parties ne sont plus libres de transférer l'ensemble des charges, taxes et accessoires sur le preneur.

Le bail commercial doit prévoir un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail (vous pouvez consulter un modèle en cliquant sur ce lien).

Désormais, le bailleur ne peut plus transférer au preneur, conformément aux articles L 145-40-2 et R145-35 du Code de commerce :

 « les impôts, notamment la contribution économique territoriale, taxes et redevances dont le redevable légal est le bailleur ou le propriétaire du local ou de l'immeuble ; toutefois, peuvent être imputés au locataire la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière ainsi que les impôts, taxes et redevances liés à l'usage du local ou de l'immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement ».

Néanmoins, le bailleur, à l’exception des taxes énumérées ci-avant qui ne peuvent pas être transférées au locataire, peut transférer conventionnellement des impôts et taxes dont il est le redevable légal à condition, selon la jurisprudence, d'une stipulation expresse et claire du bail commercial. 

Par exemple, le bailleur peut faire supporter à son locataire la taxe foncière (Cass. 3e civ., 28 septembre 2022, n°21-20.294, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères Cass. 3e civ, 16 mai 2024, n°22-19.830) ou encore la taxe de balayage (Cass. 3e civ., 17 février 2022, n°21-14.558).

 Erreur n°8 : ne pas vérifier la répartition des taxes et charges entre le bailleur et le locataire.

  •  Clause concernant les travaux

Le bailleur a, à sa charge, les grosses réparations, définies à l’article 606 du Code civil alors que le preneur n'est tenu, en principe, que des travaux de réparations locatives, énoncées à l’article 1754 du code civil.

Toutefois, le bailleur et le preneur sont libres de prévoir des aménagements contractuels dans le bail commercial à condition qu’ils soient expressément indiqués dans le bail, car les tribunaux interprètent de manière restrictive ce type de clause, qu’ils ne relèvent pas des grosses réparations et que la clause ne vide pas de sa substance l’obligation de délivrance incombant au bailleur.

Par exemple, le bail peut mettre à la charge du locataire les réparations occasionnées par la vétusté ou la force majeure compte tenu du caractère supplétif de l'article 1755 du Code civil.

En outre, les travaux de mise aux normes de l’électricité, de mise en conformité concernant la sécurité ou les travaux prescrits par l’administration peuvent être mis à la charge du preneur à condition que cela soit stipulé.

Erreur n°9 : minimiser la portée de ces stipulations alors que le coût du montant des travaux relatifs à la vétusté, de mise aux normes de l’électricité ou encore ceux prescrits par l’administration (comme un ravalement de façade) peut être très important et mettre en difficulté financière le locataire.

  •  Clause concernant la sous-location et la cession

o   La sous-location

Conformément à l’article L145-31 du Code de commerce, toute sous-location totale ou partielle est interdite, sauf stipulation contraire du bail ou accord du bailleur.

En cas de manquement à cette obligation, le locataire s’expose à la résiliation judiciaire du bail commercial, à la mise en œuvre de la clause résolutoire ou au congé refusant le renouvellement et sans indemnité d’éviction pour motif grave et légitime.

Erreur n°10 : ne pas s’assurer que la sous-location est autorisée et sous-estimer les conséquences de ne pas avoir recueilli l’accord du bailleur.

o   La cession

Selon les dispositions de l’article L145-16 du Code de commerce, sont réputées non écrites, quelle qu'en soit la forme, les conventions tendant à interdire au locataire de céder son bail ou les droits qu'il tient du présent chapitre à l'acquéreur de son fonds de commerce ou de son entreprise ou au bénéficiaire du transfert universel de son patrimoine professionnel.

Il en est ainsi pour la clause qui interdit tout nantissement du droit au bail, ou encore qui exclut la cession à des catégories préétablies de personnes, par exemple, la cession à des personnes morales.

Sont, en revanche, licites les clauses interdisant la cession du droit au bail qui intervient isolément et non pas à l'occasion de la cession du fonds de commerce.

Lorsque la cession du bail est interdite, cette clause est de rigueur et il n'est pas possible d'obtenir une autorisation judiciaire pour passer outre.

Par contre, si la clause prévoit simplement un agrément ou une autorisation préalable du bailleur, le juge peut intervenir afin de vérifier si le refus du bailleur est fondé et, le cas échéant, autoriser le preneur à céder son bail commercial.

S’il est passé outre cette autorisation, l’acte de cession sera inopposable. Concrètement, cela signifie que le bailleur pourra ainsi valablement considérer le cessionnaire comme occupant ses locaux sans droit ni titre, et ainsi demander son expulsion au juge des référés.

En outre, une clause de garantie solidaire peut être stipulée obligeant le cédant d’un bail commercial à garantir au bailleur le règlement du loyer ou des charges en cas de défaillance du cessionnaire pendant une durée maximale à compter de la cession du fonds de commerce.

Erreur n°11 : prévoit une clause de cession trop restrictive pour le locataire qui doit nécessairement obtenir l’agrément du bailleur pour la cession de son fonds de commerce ou qui ne peut aucunement céder, de manière isolée, son bail commercial.

  •  Clause concernant le dépôt de garantie

Le montant de ce dépôt de garantie peut être librement fixé par les parties, en l'absence de dispositions légales. Toutefois si ce montant est supérieur au prix de plus de deux termes de loyer, l'article L 145-40 du Code de commerce, qui est d'ordre public, énonce qu'il porte intérêt au profit du locataire au taux pratiqué par la Banque de France pour les avances sur titres.

Erreur n°12 : prévoir un montant du dépôt de garantie excédant ces deux termes.


La conclusion d’un bail commercial exige une vigilance accrue. Les erreurs commises en amont peuvent compromettre l’exploitation du fonds, générer des charges imprévues ou conduire à des litiges coûteux.

Face à un cadre juridique dense et en constante évolution, l’accompagnement d’un avocat spécialisé en baux commerciaux constitue une véritable garantie de sécurité. Il identifie les risques invisibles, rédige un bail équilibré et conforme aux textes, anticipe les points de friction et protège vos intérêts économiques.

Benjamin Vidal