Mise en oeuvre du renouvellement du bail commercial
Le bail ne cesse pas de plein droit à l’arrivée du terme convenu.
A défaut de congé du bailleur, avec ou sans offre de renouvellement, ou d’une demande de renouvellement par le preneur, le bail se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat pour une durée indéterminée, aux mêmes conditions, conformément aux dispositions de l’article L145-9 du Code de commerce.
Le renouvellement naîtra du congé avec offre de renouvellement émanant du bailleur ou de la demande de renouvellement du locataire. Ces actes mettent fin au bail en cours et engendrent le bail renouvelé.
Congé du bailleur
Préavis
Conformément à l’alinéa 1 de l’article L145-9 du Code de commerce :
« Par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux de locaux soumis au présent chapitre ne cessent que par l'effet d'un congé donné six mois à l'avance. »
Le préavis doit donc être de 6 mois, ce qui signifie que si le bail vient à expiration le 31 décembre, le congé devra être délivré pour cette date au plus tard le 30 juin.
Si le congé est donné pour une date prématurée, ce dernier reste valable pour la date à laquelle il aurait pu être délivré[1].
Par conséquent, si le congé est délivré pour le 27 décembre, ce dernier ne sera pas nul mais prendra effet pour le 30 juin.
Quand le bail est en tacite prolongation, c'est à dire qu'il se poursuit dans les mêmes conditions mais cela ne veut pas dire qu'il est reconduit, le congé donné par le bailleur prendra effet au dernier jour du trimestre civil éloigné de plus de 6 mois.
Si le bail est venu à expiration le 31 décembre et que le congé est délivré le 4 février de l'année qui suit, celui-ci ne pourra prendre effet que le 30 septembre.
Forme
Conformément aux dispositions de l’article L 145-9 du Code de commerce, le congé du bailleur doit être donné au preneur par acte extrajudiciaire, c’est-à-dire signifié par acte de Commissaire de justice (anciennement Huissier de justice).
Si le congé est délivré par lettre recommandée avec accusé réception (LRAR) au locataire, ce dernier est irrégulier et ne met pas fin au bail. Cependant, le locataire peut renoncer à cette irrégularité et se prévaloir du congé.
Contenu du congé
Le congé doit comporter certaines mentions dont l’absence est sanctionnée par la nullité.
Motifs
Le congé doit, à peine de nullité, indiquer les motifs pour lesquels il est donné.
Toutefois, s’agissant d’un congé offrant le renouvellement, le bailleur ne devra pas motiver son congé et expliquer les raisons pour lesquelles il offre le renouvellement à son preneur.
L’indication concernant les motifs ne s’impose que dans le cas d’un congé du bailleur avec refus de renouvellement et refus d’indemnité d’éviction (article L145-17 du Code de commerce), dans les congés spéciaux délivrés par le bailleur aux échéances triennales.
Le bailleur doit ainsi motiver son congé quand il refuse le renouvellement à son locataire sans avoir à lui verser une indemnité d’éviction pour :
- Des motifs graves et légitimes (exemple : changement de destination du bail sans accord du bailleur, violences ou injures à l’égard du bailleur) ;
- En cas d’immeubles insalubres ou dangereux ;
- En cas de reprise des locaux d’habitation accessoires des locaux commerciaux.
Le congé ne doit pas être motivé en cas de refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction.
Ainsi, la motivation est indispensable pour un refus de renouvellement pour motif grave et légitime ou, entre autres, pour la démolition totale ou partielle de l’immeuble étant en état d’insalubrité reconnue par l’autorité administrative (article L145-17 du Code de commerce).
La mise en demeure préalable, exigée par l’article L145-17 du Code de commerce, devant être envoyée par le bailleur au preneur, peut figurer dans le même acte que le refus de renouvellement afin de faire injonction au locataire de respecter et d'appliquer ses obligations contractuelles.
Attention, il a été jugé très récemment que lorsque le bailleur délivre un congé avec offre de renouvellement du bail à des clauses et conditions différentes du bail expiré, hors le prix, celui-ci s’analyse comme un congé avec refus de renouvellement ouvrant droit à indemnité d’éviction[2].
Rappel des dispositions légales
Il est indispensable de reproduire le dernier alinéa de l’article L145-9 du Code de commerce, à peine de nullité :
« Le congé doit être donné par acte extrajudiciaire. Il doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné. »
En effet, cela permet au preneur de savoir qu’il dispose d’un délai de 2 ans pour saisir le Tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble s’il entend contester le congé ou demander une indemnité d’éviction.
Auteur du congé
Le congé doit être délivré par celui qui a la capacité juridique de le faire, qu’il s’agisse d’une personne physique ou d’une personne morale ou de son représentant, à peine de nullité.
En cas de pluralité de bailleurs, le congé sera délivré au nom de tous les propriétaires.
En cas de démembrement de propriété, le congé doit être délivré par l’usufruitier et le nu-propriétaire. Toutefois, il est à noter qu’en cas de congé avec refus de renouvellement, le congé peut être signifié par le seul usufruitier dans la mesure où ce dernier est seul débiteur de l’indemnité d’éviction.
Destinataire du congé
En cas de pluralité de preneurs, le congé sera délivré à chacun d’eux.
En cas décès du preneur, le congé doit être délivré à chacun des héritiers.
Demande de renouvellement du preneur
Avant la loi du 6 août 2015, la demande de renouvellement du bail commercial du preneur devait être délivré par acte extrajudiciaire.
Désormais, l’article L145-10 permet l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé réception au bailleur.
Ainsi, à défaut de congé délivré par le bailleur, le preneur peut solliciter, au regard des dispositions de l’article L145-10 du Code de commerce, le renouvellement de son bail :
- Soit dans les six mois qui précédent l’expiration du bail ;
- Soit au cours de sa tacite prolongation (à ne pas confondre avec la reconduction) : dans ce cas, le bail prendra fin pour le dernier jour du trimestre civil au cours duquel la demande de renouvellement a été signifiée et le renouvellement prendra effet au premier jour du trimestre civil suivant.
Il est dans l’intérêt du preneur de demander le renouvellement du bail lorsqu’il (i) souhaite céder son fonds de commerce, (ii) la valeur locative du fonds de commerce a baissé ou (iii) pour éviter que le bail se proroge au-delà d’une durée de 12 ans permettant un déplafonnement du loyer renouvelé.
Forme
La demande de renouvellement peut être signifiée ou notifiée, au choix du preneur, par acte extrajudiciaire ou par courrier recommandée avec accusé réception.
Pour plus de sécurité, il est recommandé de faire signifier la demande de renouvellement.
Contenu du congé
L’acte doit être suffisamment explicite et mentionner de manière expresse la volonté du preneur d’obtenir le renouvellement de son contrat.
Rappel des dispositions légales
La demande de renouvellement du preneur doit reproduire le quatrième alinéa de l’article L145-10 du Code de commerce, à peine de nullité :
« Dans les trois mois de la notification de la demande en renouvellement, le bailleur doit, par acte extrajudiciaire, faire connaître au demandeur s'il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. A défaut d'avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent. »
Auteur de la demande
La demande de renouvellement sera faite par le preneur ou par ses ayants droits mais aussi par ses héritiers.
En cas de pluralité de preneurs, la demande sera faite au nom de chacun d’eux.
Destinataire de la demande
La demande de renouvellement doit être naturellement adressée au bailleur ou à son gérant réputé avoir qualité pour la recevoir, c’est-à-dire son administrateur de biens.
En cas de pluralité de propriétaires indivis, à l’un d’entre eux.
En cas de démembrement de la propriété, la demande de renouvellement doit être adressée tant à l’usufruitier qu’au nu-propriétaire. S’il y a plusieurs nus-propriétaires, la demande de renouvellement peut être adressé seulement à l’un d’entre eux à condition que cette demande ait également été adressée à l’usufruitier.
Options du bailleur
Le bailleur dispose d’un délai de trois mois à compter de la demande de renouvellement du preneur pour répondre à ce dernier.
Acceptation du renouvellement
Le bailleur accepte le renouvellement et répond au preneur soit par acte extrajudiciaire, soit par lettre recommandée avec accusé de réception, en sollicitant un nouveau loyer.
Le bailleur est ainsi d’accord sur le principe du renouvellement mais pas sur le montant du loyer renouvelé.
L'acceptation par le bailleur du principe du renouvellement du bail commercial, sous la seule réserve d'une éventuelle fixation judiciaire du loyer du bail renouvelé, manifeste la volonté de ce dernier de renoncer à la résolution dudit bail en raison des manquements du locataire aux obligations en découlant et dénoncés antérieurement[3].
Refus de renouvellement
Le bailleur peut refuser le renouvellement au preneur avec ou sans offre d’indemnité en invoquant par exemple des motifs graves et légitimes ou en raison de la dénégation du droit au statut en lui signifiant son refus par acte extrajudiciaire.
Tout refus de renouvellement émanant du bailleur doit rappeler le dernier alinéa de l’article L145-10 du Code de commerce :
« L'acte extrajudiciaire notifiant le refus de renouvellement doit, à peine de nullité, indiquer que le locataire qui entend, soit contester le refus de renouvellement, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date à laquelle est signifié le refus de renouvellement. »
Silence du bailleur
A défaut de réponse du bailleur dans le délai de trois mois lui incombant, il est réputé avoir accepté le principe du renouvellement mais pas le montant du loyer du bail renouvelé.
Néanmoins, le bailleur peut toujours dénier le droit au bénéfice du statut des baux commerciaux ou invoquer des motifs graves et légitimes qui n’auraient été découverts que postérieurement à la demande de renouvellement.
Droit d’option des parties
L’article L145-57 du Code de commerce offre aux parties un droit d’option en cas de renouvellement leur permettant de renoncer au renouvellement.
Il est normalement exercé lors de la procédure de fixation du loyer (dont il sera question infra), au plus tard à l’expiration du délai d’un mois qui suit la signification de la décision définitive.
Mais ce droit d’option peut être exercé avant l’introduction de l’instance[4].
Cette option peut être exercée par le preneur lorsqu’il a accepté le principe du renouvellement sans pour autant accepter le montant du loyer demandé ou lorsque le bailleur a accepté le principe du renouvellement à la suite de la demande du locataire.
Si aucune procédure devant le Juge des loyers commerciaux n’a été introduite, l’option peut être exercée jusqu’à l’acquisition de la prescription biennale de l’action fixant le loyer.
Ce droit d’option va donc annihiler le renouvellement qui s’était formé.
La partie qui souhaite exercer son droit d’option doit le faire par un acte dépourvu d’ambiguïté manifestant son intention claire et non équivoque. Cet acte pourra être, au choix, notifié par LRAR ou signifié par Commissaire de justice.
Le bailleur a donc la possibilité de refuser le renouvellement du bail mais doit payer une indemnité d’éviction à son locataire.
Le locataire, quant à lui, en cas d’exercice de son droit d’option perd tout droit à une indemnité d’éviction.
Le locataire peut renoncer au renouvellement même s’il en avait antérieurement accepté le principe sans acceptation du loyer.
Toutefois, l’accord des parties sur les conditions du renouvellement et notamment sur le prix entraîne la conclusion du nouveau bail interdisant l’exercice du droit d’option.