L'absence de lissage du déplafonnement pour le bail qui a excédé 12 ans

Par un arrêt du 16 octobre 2025, la Cour de cassation a jugé que l’étalement de la hausse du loyer renouvelé qui résulte du déplafonnement, codifié au dernier alinéa de l’article L145-34 du Code de commerce, ne s'applique que dans le cas d'une modification notable des quatre premiers éléments composant la valeur locative ou lorsque la durée du bail est contractuellement supérieure à 9 ans, et non aux baux de 9 ans qui se sont poursuivis, par l'effet de la tacite prolongation, pendant plus de 12 ans.

Pour rappel, le Conseil constitutionnel a validé le mécanisme de lissage du déplafonnement du loyer commercial, créé par la loi Pinel du 18 juin 2014, et il rappelle que les parties peuvent l'écarter (Cons. const. 7-5-2020 n° 2020-837 QPC).

Rappel des faits et de la procédure

Le bailleur, propriétaire de locaux commerciaux donnés à bail à compter du 1er octobre 2001 au locataire, lui a délivré par acte du 17 janvier 2014 un congé avec offre de renouvellement.

Par arrêt irrévocable du 21 janvier 2021, le prix du bail renouvelé à compter du 1er octobre 2014 a été déplafonné en raison de la durée du bail expiré, supérieure à 12 ans par l'effet de la tacite prolongation.

Le bailleur a assigné le locataire en paiement d'une provision à valoir sur les loyers et intérêts dus.

Le locataire a demandé qu'il soit jugé que les augmentations de loyer résultant du déplafonnement du prix du bail renouvelé ne soient pas supérieures à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.

La décision de 1ère instance n’a pas fait droit à sa demande en énonçant que le bail liant les parties a été prolongé pendant une durée supérieure à 12 ans, de sorte que les dispositions de l'article L145-34 du Code de commerce ne s'appliquaient pas, tel que cela était clairement dit à l'alinéa 3.

Le locataire a interjeté appel de la décision de 1ère instance.

La décision de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence

Le locataire avance, devant la Cour d’Aix-en-Provence, que le plafonnement du déplafonnement, lissage, lui est applicable en vertu du dernier paragraphe de l'article L145-34 du Code de commerce. 

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence confirme la décision de 1ère instance en précisant que :

Qu'il résulte de la lecture même de l'article L145-34 du Code de commerce susvisé que le dispositif prévu en cas de déplafonnement du loyer ne s'applique que dans le cas d'une modification notable des quatre premiers éléments composant la valeur locative ou lorsque la durée du bail est contractuellement supérieur à 9 ans, et non aux baux de 9 ans qui se sont poursuivis, par l'effet de la tacite prolongation, pendant plus de 12 ans, bien que se trouvant, de ce fait, soumis au déplafonnement, ce qui est le cas en la cause.”

Le locataire forme alors un pourvoi en cassation en se prévalant de l’application du dernier alinéa de l’article L145-34 du Code de commerce, c’est à dire que la variation de loyer d'un bail commercial, dans toutes les hypothèses de déplafonnement du loyer, ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.

Le lissage du loyer renouvelé peut-il s’appliquer au déplafonnement causé par un bail de 9 ans qui a excédé 12 ans du fait de la tacite prolongation ?

La Cour de cassation répond par la négative et précise de manière non équivoque qu'il résulte de la lecture de l'article L145-34 du Code de commerce que le dispositif prévu en cas de déplafonnement du loyer ne s'applique que dans le cas d'une modification notable des quatre premiers éléments composant la valeur locative ou lorsque la durée du bail est contractuellement supérieure à 9 ans, et non aux baux de 9 ans qui se sont poursuivis, par l'effet de la tacite prolongation, pendant plus de 12 ans.

Ainsi, le locataire doit subir la hausse du loyer renouvelé, fixé à la valeur locative, dans son intégralité, sans pouvoir bénéficier du plafonnement du déplafonnement, à savoir la variation du loyer ne pouvant conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente.

Autrement dit, le locataire doit supporter une hausse importante et brutale de nature à compromettre la viabilité de son entreprise.