Garantie solidaire et opposabilité des accords avec le cessionnaire (débiteur)

Par un arrêt du 6 novembre 2025, la Cour de cassation, en matière de bail commercial, a jugé que le cédant, garant solidaire, peut invoquer les engagements conclus entre le bailleur et le nouveau locataire (cessionnaire) dans la transaction intervenue, même s’il est étranger à cet acte.

Rappel des faits et de la procédure

Par acte sous seing privé du 10 septembre 1999, le bailleur a donné un local commercial au locataire. Ce bail a été successivement renouvelé. 

Le locataire a cédé son fonds de commerce avec engagement de garantie solidaire au titre, notamment, des loyers impayés.

Par acte extrajudiciaire du 30 juin 2020, le bailleur a assigné le garant solidaire pour obtenir le paiement des loyers impayés dus au 27 février 2020 par le nouveau locataire.

En cours d’instance, par acte sous seing privé du 3 mai 2021, le bailleur et le locataire ont conclu un protocole d’accord transactionnel par lequel le premier renonçait à :

« tout paiement de loyer entre ses mains, pour toutes les périodes antérieures à la signature du présent protocole d'accord transactionnel moyennant le paiement immédiat par la locataire de la somme de 40 995,11 euros au titre des loyers du troisième trimestre 2020 ».

Le garant solidaire a argué en 1ère instance que cette transaction constituait, au profit du locataire cessionnaire (nouveau locataire), un avantage dont il pouvait se prévaloir. Il invoquait donc une réduction de sa dette solidaire.

La décision de la Cour d’appel de Paris

Le garant solidiaire a interjeté appel devant le Cour d’appel de Paris.

La Cour d’appel rejette la demande du garant solidaire en jugeant que sa garantie solidaire est due jusqu'au 28 décembre 2021 et le condamne à payer au bailleur une certaine somme au titre des loyers, charges et taxes du quatrième trimestre 2019 et pour la période du 1er janvier au 17 février 2020, avec intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2020 car la transaction intervenue entre le bailleur et le nouveau locataire n’engageait que les signataires, dont le garant solidaire était étranger, et ne faisait pas obstacle à une action contre ce dernier. 

Le locataire forme alors un pourvoi en cassation en avançant que que le tiers codébiteur solidaire peut se prévaloir d'une transaction intervenue entre le créancier commun et l'un de ses coobligés, dès lors qu'il en résulte pour ce dernier un avantage dont il peut lui-même bénéficier. 

Le garant solidaire (cédant) peut-il se prévaloir d’une transaction intervenue entre le bailleur et le locataire (cessionnaire) même s’il n’est pas intervenu à l’acte ?

La Cour de cassation rappelle que selon les dispositions de l’article 1199 du Code civil, les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes. En principe, les tiers ne peuvent ni demander l'exécution du contrat ni se voir contraints de l'exécuter.

Conformément à l’article 1200 du Code civil, les tiers doivent respecter la situation juridique créée par le contrat. Ils peuvent cependant s'en prévaloir notamment pour apporter la preuve d'un fait.

L’article 2051 du Code civil dispose que la transaction faite par l'un des intéressés ne lie point les autres intéressés et ne peut être opposée par eux.

Aux termes de l’article 1315 du Code civil, le débiteur solidaire poursuivi par le créancier peut opposer les exceptions qui sont communes à tous les codébiteurs, telles que la nullité ou la résolution, et celles qui lui sont personnelles. Il ne peut opposer les exceptions qui sont personnelles à d'autres codébiteurs, telle que l'octroi d'un terme. Toutefois, lorsqu'une exception personnelle à un autre codébiteur éteint la part divise de celui-ci, notamment en cas de compensation ou de remise de dette, il peut s'en prévaloir pour la faire déduire du total de la dette.

Il résulte de ces textes que, si la transaction est un contrat qui ne peut produire d'effet qu'entre les parties qui l'ont conclue et qu'à ce titre, un tiers ne peut se prévaloir de ses effets, elle constitue pour lui un fait juridique, de sorte que le tiers codébiteur solidaire peut invoquer les engagements contenus dans la transaction intervenue entre le créancier commun et l'un de ses coobligés, dès lors qu'il en résulte pour ce dernier un avantage dont il peut lui-même bénéficier.

La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de Paris aux motifs que la transaction intervenue entre le bailleur et le locataire (cessionnaire) peut bénéficier au garant solidaire, dont il tire un avantage, quand bien même celui-ci n’est pas signataire de l’acte.