Quel est le régime de la sous-location ?

Lorsqu’un contrat de sous-location est conclu, plusieurs obligations contractuelles vont se répartir entre les différents acteurs, à savoir le propriétaire, le locataire principal et le sous-locataire.

A. Les rapports entre le propriétaire et locataire principal

 1. Maintien des obligations contractuelles

La sous-location ne modifie pas fondamentalement les rapports contractuels entre le propriétaire et le locataire principal. Ce dernier reste entièrement responsable de l'exécution de toutes les obligations du bail principal, y compris des manquements éventuels du sous-locataire. Il doit également veiller au respect de la destination des lieux telle que définie dans le bail principal.

2. Droit de réajustement du loyer

L'article L145-31, alinéa 3, du Code de commerce permet au propriétaire de réclamer une majoration de loyer lorsque le prix de la sous-location est supérieur à celui du bail principal. Cette faculté vise à éviter que le locataire principal ne réalise un profit pécuniaire du fait de la sous-location et à lutter contre les sous-locations à caractère spéculatif. En l'absence d'accord amiable, la demande du bailleur doit suivre la procédure devant le juge des loyers commerciaux et faire l’objet d’un mémoire préalable.

B. Les rapports entre le locataire principal et le sous-locataire

1. Application du droit commun des baux 

Les rapports entre le locataire principal et le sous-locataire obéissent d'abord aux règles ordinaires du Code civil (articles 1709 et suivants). Si les conditions en sont remplies, les règles du statut des baux commerciaux s'appliquent également. Toutefois, ces rapports restent limités par les clauses du bail principal, le locataire principal ne pouvant conférer au sous-locataire plus de droits qu'il n'en possède lui-même.

2. Particularités

Plusieurs spécificités caractérisent la sous-location commerciale. La durée contractuelle du sous-bail peut être inférieure au bail principal restant à courir mais ne peut être supérieure.

Le sous-locataire bénéficie ensuite d'un droit de renouvellement de son sous-bail à l'encontre du locataire principal, comme s'il était un locataire ordinaire, tant que le bail principal existe.

Mais le locataire principal ne peut renouveler la sous-location que dans la mesure des droits dont il est lui-même titulaire. Il ne pourrait donc accepter de renouveler la sous-location pour une période postérieure à l'expiration de son propre bail. 

La destination doit impérativement respecter la destination définie dans le bail principal.

Enfin, le sous-bail prend nécessairement fin avec le bail principal en cas de résiliation de celui-ci ou de refus de renouvellement, quelle que soit sa durée contractuelle initiale.

C. Les rapports entre le propriétaire et le sous-locataire

Pendant la durée de la sous-location, aucun lien juridique direct n'unit le propriétaire au sous-locataire.

Le Code civil prévoit toutefois une exception avec l'action directe en paiement des loyers que peut exercer le propriétaire lorsque le locataire principal ne règle pas ses échéances.

À l'expiration du bail principal, des rapports juridiques peuvent s'établir entre le propriétaire et le sous-locataire.

Si les conditions de l'article L145-32 du Code de commerce sont remplies, le sous-locataire bénéficie d'un droit direct de renouvellement permettant sa transformation de sous-locataire en locataire direct.

Ce droit est soumis à une double condition : la sous-location doit avoir été régulièrement consentie, et il ne doit pas y avoir indivisibilité entre les locaux loués et les locaux sous-loués

Ce droit direct de renouvellement est subsidiaire, ne s'exerçant que si le locataire principal n'est pas en mesure d'assurer lui-même le renouvellement du titre locatif au sous-locataire. Il est étroitement lié à l'existence du bail principal et aux rapports entre le locataire principal et le propriétaire.

1. L’exercice du droit de renouvellement pendant l'exécution du bail principal

Le sous-locataire, s'il remplit les conditions générales du droit au renouvellement prévues par l'article L145-8 du Code de commerce, doit demander le renouvellement de son contrat de sous-location au locataire principal.

  • Acceptation du renouvellement par le locataire principal

Le locataire principal ne peut satisfaire à cette demande que dans la limite de ses propres droits.  

Ainsi :

o   Si la durée restante du bail principal permet un renouvellement de neuf ans du sous-bail, l'exercice de ce droit ne pose pas de difficulté, à condition que le bail principal ait une durée supérieure à neuf ans ;       

o   Si la durée restante du bail principal est inférieure à neuf ans, le sous-bail renouvelé prendra fin en même temps que le bail principal, quelle que soit sa durée contractuelle. Cela constitue une dérogation à la règle d'ordre public de l'article L145-4 du Code de commerce sur la durée minimale de neuf ans des baux.

Lorsque les parties s'accordent sur une durée supérieure à celle restant sur le bail principal, la sous-location se poursuivra seulement si le bail principal est lui-même renouvelé. 

Dans le cas contraire, le sous-locataire devra exercer son droit direct auprès du bailleur principal.

Il est préférable de convenir, lors de la conclusion de la sous-location, d'une durée contractuelle égale à celle du bail principal pour éviter des complications pratiques liées à des dates d'expiration différentes. Même sans notification au propriétaire, ce dernier doit être appelé à concourir à l'acte de renouvellement.

  • Refus de renouvellement opposé par le locataire principal

Le locataire principal peut, comme tout bailleur, refuser le renouvellement du sous-bail en offrant une indemnité d'éviction ou sans indemnité s'il invoque un motif grave et légitime

Il peut également dénier le droit au renouvellement si le sous-locataire ne remplit pas les conditions générales d'application du statut (ex: défaut d'immatriculation ou d'exploitation d'un fonds de commerce). Le sous-locataire peut valablement renoncer à son droit au renouvellement, à condition que cette renonciation soit postérieure à la naissance de ce droit.

2.  L’exercice du droit de renouvellement à l'expiration du bail principal

Le droit du sous-locataire au renouvellement s'exerce différemment selon que le bail principal est renouvelé ou non.

Dans le premier cas, il y aura renouvellement du sous-bail et le propriétaire des locaux restera étranger, comme pendant la durée de la sous-location initiale, aux rapports contractuels existant entre le sous-locataire et le locataire principal (sous réserve, naturellement, de l'obligation de l'appeler à concourir à l'acte de renouvellement).

Dans le deuxième cas, le propriétaire va conclure directement un contrat de bail avec le sous-locataire et il ne s'agira pas, au sens propre du terme, d'un renouvellement (bien que l'article L145-32 du Code de commerce utilise ce terme) car le contrat n'est plus une sous-location.

Il s'agit d'un bail pur et simple même si les clauses du sous-bail doivent, sauf accord contraire des parties, être maintenues. L'exercice de ce droit direct suppose naturellement que la sous-location soit opposable au propriétaire et que le sous-locataire remplisse les conditions générales édictées par l'article L145-8 du Code de commerce.

Dans le troisième cas, l'expiration du bail principal conduisant à l'éviction du locataire principal ne permet pas néanmoins la conclusion d'un bail directement avec le propriétaire des locaux : c'est le cas lorsque le sous-locataire partiel ne bénéficie pas du droit direct par suite de l'indivisibilité des locaux. Le sous-locataire d'une partie des locaux est alors évincé sans indemnité.

  • Renouvellement du sous-bail par le locataire principal      

o  Sous-location totale : pour que le renouvellement soit possible, le bail du locataire principal doit être renouvelé sur l'intégralité des locaux. Si le locataire principal a sous-loué la totalité des locaux, la jurisprudence admet généralement qu'il n'exploite plus de fonds de commerce dans les lieux, ce qui lui fait perdre son droit au renouvellement du bail principal (Cass. 3e civ., 29 oct. 1985, n°84-14.391).

Cependant, le propriétaire n'est pas obligé de refuser le renouvellement au locataire principal. Si l'on admet que le locataire principal exploite un véritable fonds de commerce, la sous-location totale ne fait pas obstacle au renouvellement du bail principal et, par conséquent, au renouvellement des sous-locations (Cass. 3e civ, 29 mars 1984, n°82-12.753).

o   Sous-location partielle : si le locataire principal ne sous-loue qu'une partie des lieux, il ne peut en principe obtenir le renouvellement de son bail que pour les locaux où il exploite son propre fonds (Cass. 3e civ, 15 novembre 2006, n°05-17-572). 

Néanmoins, le bailleur peut choisir de renouveler le bail principal pour la totalité, notamment si les locaux sont indivisibles matériellement ou contractuellement. Dans ce cas, le locataire principal doit renouveler directement le sous-bail, et le sous-locataire n'a pas de droit direct envers le propriétaire. Le renouvellement du sous-bail est assuré par le locataire principal en cas de sous-location totale si le propriétaire accepte le renouvellement du bail principal, ou en cas de sous-location partielle si le propriétaire renouvelle le bail principal pour le tout.

  • ·Droit direct du sous-locataire à l'égard du bailleur principal

Dans les autres cas où le renouvellement du sous-bail n'est pas assuré par le locataire principal, le sous-locataire s'adresse au propriétaire des locaux en vertu de son droit direct. Ce droit direct implique que le propriétaire conclue directement un bail avec le sous-locataire, qui n'est plus une sous-location du fait de la disparition du bail principal. Les clauses du sous-bail initial sont maintenues, sauf accord contraire.

o   Conditions d'existence du droit direct           

  1. Condition générale : l'opposabilité du sous-bail : la sous-location, qu'elle soit totale ou partielle, doit être opposable au propriétaire. L'article L145-32 du Code de commerce exige que le propriétaire ait expressément ou tacitement autorisé ou agréé la sous-location. L'agrément tacite doit résulter d'actes positifs non équivoques, la simple connaissance ou tolérance prolongée ne suffisant pas ;

  2. Condition propre à la sous-location partielle : l'absence d'indivisibilité : le sous-locataire d'une partie des locaux ne peut demander le renouvellement au propriétaire qu'à condition que les locaux loués au locataire principal ne forment pas un tout indivisible matériellement ou dans l'intention des parties. 

    Cette règle vise à protéger l'intérêt du propriétaire qui ne souhaite pas avoir plusieurs débiteurs distincts. L'indivisibilité contractuelle peut découler d'une clause du bail principal ou de l'intention commune des parties. L'indivisibilité matérielle est une notion de pur fait. La règle de l'indivisibilité ne s'applique pas en cas de sous-location totale.  

o   Caractère subsidiaire du droit direct               

La jurisprudence a consacré le caractère subsidiaire du droit direct du sous-locataire. Ce dernier ne peut demander le renouvellement de son bail au propriétaire que si le locataire principal n'est pas en mesure de renouveler le sous-bail. L'exercice du droit direct est écarté lorsque le propriétaire et le locataire principal conviennent de renouveler amiablement le bail principal dans sa totalité (Cass. 3e civ., 6 décembre 1972, n°71-13.240).           

Le droit direct ne jouera donc qu'en cas de refus de renouvellement du bail principal (Cass. 3e civ., 8 avril 1992, n°90-21.168) ou de résiliation de ce même bail.    

o   Mise en œuvre du droit direct               

- Refus de renouvellement du bail principal

Tant qu'aucun congé n'a été délivré, le sous-bail se poursuit par tacite prolongation. Le droit direct ne peut être mis en œuvre. Si le sous-locataire souhaite obtenir le renouvellement de son bail, il devra s’adresser au locataire principal en respectant les dispositions de l’article L145-10 du Code de commerce.

Si un congé a été délivré au locataire principal, le sous-locataire peut demander au propriétaire de lui consentir directement un bail, ce qui entraîne une novation du contrat par changement de partie. Il s'agit d'un bail pur et simple même si les clauses du sous-bail doivent, sauf accord contraire des parties, être maintenues. 

La renonciation du sous-locataire à son droit direct dans le sous-bail, lorsqu’elle résulte d’une clause, n'est pas valable si elle est antérieure à la naissance de ce droit (Cass. 3e civ., 28 novembre 2007, n°06-16.758).

Lorsque le sous-bail porte sur la totalité des locaux, le refus de renouvellement du bail principal par le bailleur suivi d'un refus de renouvellement du sous-bail par le locataire principal ne permet pas au sous-locataire de réclamer une indemnité d'éviction au bailleur principal s'il n'a pas formé préalablement une demande de renouvellement de son propre bail (Cass. 3e civ., 14 juin 2006, n°05-15.975).

Concrètement, cela signifie que le sous-locataire de la totalité des locaux qui a reçu congé avec refus de renouvellement de la part du locataire principal, lequel avait lui-même reçu congé de la part du bailleur, doit impérativement exercer son droit direct et ne pourra réclamer une indemnité d'éviction au bailleur principal que dans le cas où il aura reçu lui-même congé de la part de ce dernier.

Si le propriétaire veut mettre fin aux deux baux, il doit délivrer congé aux deux parties.

L'action du sous-locataire à l'égard du propriétaire se prescrit par deux ans à compter de la connaissance du refus de renouvellement adressé au locataire principal (Cass. 3e civ., 15 septembre 2010, n°09-16.679).

Résiliation du bail principal

La résiliation du bail principal équivaut à son expiration. Même si elle est prononcée pour une faute du locataire principal, le droit direct du sous-locataire peut s'exercer, et celui-ci devient locataire aux clauses et conditions du sous-bail (Cass. 3e civ., 23 avril 1985, n°83-17.317). Le sous-locataire qui ne bénéficierait pas du droit direct (sous-location inopposable ou indivisibilité) devient un occupant sans droit ni titre.


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ArticlesBenjamin Vidal