Comment sous-louer son local commercial ?

Introduction et définition

La sous-location est le contrat par lequel une personne (le locataire principal) qui a la jouissance de locaux en vertu d'un bail commercial remet à son tour la jouissance de tout ou partie de ses locaux à un tiers, dénommé sous-locataire, moyennant un certain prix et pour un certain temps.

L’article 1717 du Code civil pose le principe de la liberté de sous-louer sauf stipulations contraires.

Il en va différemment en matière de baux commerciaux dans la mesure où l’article L145-31 du Code de commerce précise que : « Sauf stipulation contraire au bail ou accord du bailleur, toute sous-location totale ou partielle est interdite. ».

Pour que la sous-location soit licite, il faut ainsi recueillir l’autorisation du bailleur et l’appeler à concourir à l’acte.

La sous-location ne peut s’appliquer aux locations-gérances, aux contrats passés entre un hôtelier, un loueur en meublé ou un garagiste et ses clients pour la jouissance des locaux ne sont pas des sous-locations. L'activité de résidence hôtelière ne constitue pas une sous-location compte tenu des prestations de service mises à la disposition des résidents (Cass. 3e civ., 15 avr. 2015, n°14-15.976).

Les baux exclus du statut commercial restent naturellement soumis au droit civil. De ce fait, le locataire d'un local accessoire non indispensable à l'exploitation de son fonds de commerce, ou le titulaire d'un bail dérogatoire de trois ans, peut sous-louer librement si son contrat ne comporte aucune interdiction sur ce point ou aucune condition particulière d'agrément ou de forme.

I. Conditions de validité de la sous-location

La validité d'une sous-location commerciale repose sur deux conditions obligatoires et cumulatives. La première consiste en l'autorisation préalable et expresse du bailleur. La seconde impose le concours du bailleur à l'acte, c'est-à-dire sa participation effective à la signature du contrat de sous-location.

A. Autorisation du propriétaire

1. Caractères de l’autorisation

L'autorisation doit impérativement revêtir un caractère exprès, aucune autorisation tacite n'étant admise par la jurisprudence. Elle doit également être préalable, c'est-à-dire précéder la conclusion du sous-bail, faute de quoi le locataire principal se trouverait en infraction. Enfin, cette autorisation présente un caractère discrétionnaire, le propriétaire pouvant refuser sans avoir à justifier sa décision.

Toutefois, une autorisation postérieure permettra de régulariser la situation.

2. Modalités de l’autorisation

L'autorisation peut prendre deux formes distinctes. L'autorisation générale résulte d'une clause du bail principal permettant la sous-location, éventuellement limitée à certaines parties des locaux ou restreinte à certaines catégories de commerce.

Elle peut au contraire être donnée spécialement pour une sous-location déterminée malgré une clause du bail interdisant toute sous-location ou exigeant un agrément, ou en l'absence de toute précision sur ce point dans le contrat. Le propriétaire est libre de subordonner son autorisation à certaines conditions de fond, notamment quant à la durée du sous-bail, ou de forme (notification préalable du projet de contrat).

3. Absence de contrôle judiciaire

La jurisprudence a établi de manière constante que le refus du bailleur ne peut faire l'objet d'un contrôle judiciaire. Cet arrêt de principe, rendu par la Cour de cassation le 16 juillet 1962, a précisé de manière non équivoque que : « le droit, pour le propriétaire, d'interdire toute sous-location ou prêt des locaux loués à usage commercial sans son autorisation expresse et préalable sous peine de résiliation du bail, n'est soumis à aucune limitation ».

Contrairement à la cession de bail où la liberté constitue le principe, la sous-location est interdite par principe, ce qui justifie l'absence de contrôle du refus du propriétaire.

B. Concours du bailleur à l’acte

1. Principe et importance de la formalité

Le concours du bailleur à l'acte de sous-location poursuit plusieurs finalités essentielles. Il permet d'abord la vérification de la conformité du sous-bail au bail principal et le contrôle du respect des conditions imposées par le bailleur. Il assure ensuite la connaissance du prix de la sous-location pour permettre l'exercice éventuel du droit de réajustement. Il prépare enfin un éventuel droit direct de renouvellement au profit du sous-locataire.

2. Domaine d’application

Cette formalité concerne le contrat initial de sous-location ainsi que tous ses renouvellements amiables (Cass. 3e civ.,28 octobre 2009, n°08-18.736). Elle s'applique également aux avenants modifiant à la fois le prix et la durée, la jurisprudence étant toutefois variable concernant les simples prorogations.

En cas de procédure judiciaire relative au renouvellement du sous-bail, la prudence commande d'appeler le propriétaire en intervention, même si le texte ne l'exige pas expressément.

3. Modalités pratiques

L'article L145-31, alinéa 4, du Code de commerce organise précisément cette procédure :

« Le locataire doit faire connaître au propriétaire son intention de sous-louer par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Dans les quinze jours de la réception de cet avis, le propriétaire doit faire connaître s'il entend concourir à l'acte. Si, malgré l'autorisation prévue au premier alinéa, le bailleur refuse ou s'il omet de répondre, il est passé outre. »

La pratique distingue deux situations :

  • Lorsque le locataire dispose déjà d'une autorisation préalable, soit par stipulation générale de son bail, soit par écrit distinct, la notification comprend à la fois l'avertissement de l'intention d'user de cette autorisation et la convocation à la signature. Dans ce cas, l'absence du propriétaire n'empêche pas la conclusion puisqu'il a déjà donné son accord de principe ;

  • À l'inverse, si le locataire ne dispose pas d'autorisation préalable, l'absence du propriétaire équivaut à un refus d'autorisation et il ne peut y être passé outre.

Lorsque le propriétaire participe à l'acte de sous-location, son concours a pour effet de couvrir les irrégularités de la procédure de notification et celles de l'acte lui-même sauf s'il fait inscrire des réserves particulières à l'acte de sous-location.

4. Exceptions à la formalité

Certaines situations dispensent de la formalité de concours. Le bailleur peut y renoncer expressément dans le bail, notamment lorsqu'il impose au locataire de sous-louer une partie des locaux, comme dans les galeries marchandes. De même, lorsque les lieux sont destinés à une activité de résidence hôtelière, la sous-location constituant l'objet même de l'activité du locataire, le concours n'est pas requis.

II. L’agrément tacite

A. Principe

L'agrément tacite constitue un mécanisme permettant de couvrir les irrégularités de la sous-location par des actes positifs du propriétaire. Pour être efficace, cet agrément doit démontrer à la fois la connaissance de la sous-location et l'intention d'accepter la situation nouvelle malgré son caractère irrégulier.

B. Conditions strictes

La jurisprudence exige des actes positifs du propriétaire, la simple tolérance ne suffisant jamais à constituer un agrément. Aucune durée, même très longue, ne peut suppléer à l'absence d'actes positifs démontrant une acceptation. Ces actes doivent être contemporains ou postérieurs à la sous-location pour avoir une valeur juridique.

La Cour de cassation a fourni quelques illustrations de ce qui peut constituer un agrément tacite. Ainsi, la demande du propriétaire tendant au réajustement du loyer du fait de la sous-location caractérise un tel agrément (Cass. 3e civ, 4 mars 1963, n°60-10.318). De même, l'autorisation accordée directement au sous-locataire de procéder à des travaux dans les lieux sous-loués, jointe à l'indication de la sous-location dans une demande d'augmentation du prix du bail principal, vaut agrément.

À l'inverse, certains actes ne caractérisent pas un agrément malgré les apparences. La simple connaissance sans protestation, même prolongée dans le temps, ne constitue qu'une tolérance (Cass. 3e civ., 16 févr. 1982, no 80-13.528). Les réponses du propriétaire aux courriers du sous-locataire sans réserve sur sa qualité ne valent pas davantage agrément (Cass. 3e civ., 22 février 2006, n°05-12.032).

III. Points de vigilance pratique

A. Pour le bailleur

Le propriétaire doit vérifier systématiquement le respect des deux conditions cumulatives que sont l'autorisation préalable et le concours à l'acte. Il lui est conseillé de se réserver expressément le droit de réajustement du loyer dans le bail initial et de prévoir précisément les modalités d'autorisation de sous-location. Une attention particulière doit être portée aux renouvellements de sous-location qui requièrent le même formalisme que le contrat initial.

B. Pour le locataire-principal

Le locataire principal doit impérativement obtenir l'autorisation avant de s'engager envers un sous-locataire et respecter scrupuleusement la formalité de concours. Il doit s'assurer de la conformité du sous-bail au bail principal et mesurer les risques de responsabilité considérables qu'il encourt envers le sous-locataire en cas d'irrégularité. La rédaction de clauses de garantie et de limitation de responsabilité peut s'avérer nécessaire.

C. Pour le sous-locataire

Le sous-locataire a tout intérêt à vérifier l'existence de l'autorisation préalable et à s'assurer de la participation effective du propriétaire à l'acte de sous-location. Il doit évaluer les risques considérables qu'il encourt en cas d'irrégularité et prévoir les modalités d'exercice de son futur droit direct. Une clause de garantie de la part du locataire principal peut s'avérer indispensable.


La jurisprudence constante de la Cour de cassation souligne l'importance du respect scrupuleux des formalités légales, toute irrégularité pouvant entraîner des conséquences dramatiques pour le sous-locataire et engager lourdement la responsabilité du locataire principal. La pratique professionnelle impose donc une vigilance particulière à tous les stades de la vie du contrat, depuis sa conclusion jusqu'à la transmission éventuelle des droits, en passant par ses renouvellements successifs.

Le Cabinet vous accompagne dans votre projet de sous-location, que vous soyez bailleur, locataire-principal ou sous-locataire afin de préserver l’intégralité de vos droits.


ArticlesBenjamin Vidal